Près d’un an après le tragique incendie ayant ravagé Notre-Dame de Paris, le ministère de la Culture est allé à la rencontre des acteurs de sa restauration. Mathieu Delaire, cordiste, joue un rôle décisif dans la consolidation et la sécurisation du monument. 

Baudrier, casque, gants, sans oublier le masque…  Les cordistes s’équipent. Sur le chantier, ils iront là où les autres corps de métier ne peuvent et n’oseraient pas aller. Sur le chantier de Notre-Dame, dans cette phase de sécurisation et de consolidation du monument, ils sont tout simplement indispensables. Tous les corps de métiers, tous les experts présents sur le site ont besoin d’eux : les charpentiers, les tailleurs de pierre, les scientifiques de toutes disciplines, les archéologues qui se chargent de documenter l’histoire de la construction de la Cathédrale… et bien sûr l’architecte en chef qui, après l’incendie, a mis au plus vite à contribution ces acrobates pour un premier état des lieux et identifier les points de fragilité du bâtiment.

Contrôle de soi, rigueur, précision et discipline sont les maîtres-mots du cordiste

Des experts de la hauteur

Mathieu Delaire travaille au sein de l’entreprise Jarnias, qui a pris pour devise « Les experts de la hauteur ». Avant d’être cordiste, il était soldat. Caporal-chef, il a servi au Kosovo, au Gabon, en Afghanistan, au Mali aussi, dans le cadre de l’opération Serval. Pour parler comme Vigny, il a connu les servitudes et les grandeurs de la vie militaire. Ses joies et ses épreuves sur lesquelles il ne s’appesantit pas. « C’est la vie » conclut-il. Mathieu est du genre taiseux.

Les qualités qu’il a cultivées sous l’uniforme, dans ses périlleuses missions extérieures, sont celles qui lui servent maintenant dans son nouveau métier : contrôle de soi, rigueur, précision, discipline et, bien sûr, le respect des règles de sécurité. « Il y a toujours un risque » rappelle-t-il, « on ne doit jamais l’oublier ». Dans le métier, la règle veut que les risques et les secours soit toujours anticipés pour envisager une sortie. Dans le métier, la règle veut qu’il y ait toujours au moins trois points d’amarrage pour envisager une sortie. Un cordiste n’évolue jamais seul mais au moins en binôme. Là, comme à l’armée, il faut être solidaire. Et solide. Bien entraîné, on peut exercer longtemps. Mathieu a eu pour collègue un ancien spéléologue de soixante ans, et toujours cordiste…

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Mathieu Delaire © Denis Allard / Ministère de la Culture

Un savoir-faire indispensable au chantier de Notre-Dame

Sur le chantier de Notre-Dame, les cordistes sont (presque) partout : préparation de la mise hors d’eau des gargouilles, bâchage de la nef, inspection des massifs de béton, nettoyage des chéneaux, des cintres en bois (les charpentiers disent les « bananes ») qui soutiendront les arcs-boutants fragilisés par l’incendie…  

On les sollicite aussi pour les relevés photographiques des voutes endommagées ou encore pour les mesures de résistance mécanique des pierres. « Nous avons travaillé en association avec les cordistes » rappelle Lise Leroux, chercheuse au Laboratoire de Recherches des Monuments Historiques, « en particulier pour mesurer la résistance des pierres qui ont subi le feu et l’eau. Nous avons réfléchi en direct avec eux pour choisir la technique la plus adaptée à ce que nous voulions évaluer et donner une réponse la plus rapide possible au calcul de structure ».

Et la technique retenue fut… ? Celle du sphéromètre pendulaire : le rebond d’une sorte de marteau frappé verticalement sur la pierre permet de mesurer son niveau de résistance mécanique. « Il faut être à l’aise avec son savoir-faire » nous confie tout simplement Mathieu Delaire.