Près d’un an après le tragique incendie ayant ravagé Notre-Dame de Paris, le ministère de la Culture est allé à la rencontre des acteurs de sa restauration. Catherine Lavier, spécialiste du bois, récolte les vestiges de la charpente de la cathédrale.

Tous les chemins, dit-on, mènent à Rome. Mais sait-on vers quels chemins forestiers conduit la charpente de Notre-Dame, qui est partie en fumée le 15 avril 2019 ? Catherine Lavier, qui participe à l’inventaire des débris de la cathédrale, est bien consciente de l'importance de cette question pour la connaissance de l'édifice. Car cette spécialiste, qui mène ses travaux scientifiques avec ses collègues du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF), sait faire parler le bois. En analysant un échantillon, aussi petit soit-il, elle peut déterminer son âge, sa région d’origine, trouver la forêt dont il provient et décrire l’arbre dont il est issu. « En examinant un morceau calciné de la « forêt » - c'est ainsi qu'on nomme la charpente de Notre-Dame - nous pouvons savoir s’il était placé dans le cœur de l’arbre ou à l’extérieur, vers le haut ou le bas. Avec plusieurs morceaux, nous pouvons déterminer la taille de l’arbre, savoir si son fût était droit ou non, s’il a poussé en montagne ou dans une plaine », explique-t-elle.

Le moindre  morceau collecté peut livrer une quantité d'informations bien supérieure à celle d'une poutre intacte

Faire parler la charpente de Notre-Dame

L’archéo-dendométrie - c'est le nom de cette spécialité - est une discipline relativement jeune. Apparue après-guerre en Europe, elle ne s’est véritablement développée en France qu’à partir des années 1970. Elle s’avère pourtant essentielle dans le travail d’identification de œuvres, pour les musées en particulier. Catherine Lavier fait notamment partie d’un comité d’expert créé par le ministère de la Culture dans le but de traquer les faux qui circulent sur le marché de l’art. Elle y met à profit sa parfaite connaissance des forêts européennes – « il y a 60 000 espèces d’arbres sur la planète, je me contente d'étudier les essences utilisées par l’homme », précise-t-elle – et n’hésite pas, en cas de besoin, à mobiliser tout un réseau de correspondants à l'étranger. Le musée Guimet, qui possède beaucoup de statues nippones, nécessite ainsi des échanges réguliers avec le Japon, tandis que le musée du quai Branly-Jacques Chirac appelle, compte-tenu de la provenance de ses œuvres, des recherches à travers le monde entier.

Ce savoir-faire joue également un rôle déterminant dans la restauration de monuments. Chargée de « lire » l’histoire de la charpente de Notre-Dame de Paris, elle a fait le choix, au cours du travail de pré-inventaire qui a été conduit avec ses collègues, de tout conserver. Même si les bois, contrairement à certaines pierres ou à certains métaux, ne seront pas réutilisés lors de la restauration, le moindre petit morceau collecté peut livrer une quantité d’informations bien supérieure à celles d'une poutre intacte. A partir de ces précieux échantillons, Catherine Lavier pourra conduire un travail d’analyse qui lui permettra de déterminer la provenance des bois utilisés, leurs essences mais aussi d’enregistrer les traces d’outils et documenter les techniques artisanales du Moyen Âge. Pour l’heure, on sait simplement que certains bois de l’ancienne forêt de Notre-Dame datent du XIIe siècle, d’autres du XIXe . « Nous devons rendre hommage à la cathédrale, ainsi qu’aux artisans qui ont œuvré à sa construction. C’est tout un travail qui a disparu », dit-elle, fière d’avoir été appelée à participer à ce travail de restauration.

Des forêts francs-comtoises à l’étude archéologique du bois  

Originaire de Franche-Comté, Catherine Lavier s’est, dans un premier temps, orientée vers le paléo-environnement après des études en génie environnemental. « Nous arrivions à reconstituer un village et son mode de vie, à déterminer l’année et la saison en étudiant les bois mais aussi les graines, les sédiments, les fossiles », se souvient-elle à propos de ses premières fouilles à proximité du lac de Clairvaux, dans le Jura. Elle a, par la suite, fait le choix de se spécialiser dans l’expertise des œuvres d’art en reprenant un cursus universitaire en archéologie, histoire et histoire de l’art. Elle qui se destinait à travailler au milieu des arbres et qui se serait bien vue à l’Office National des Forêts (ONF) sera finalement devenue experte dans l’art de lire le bois. Des chemins forestiers, Catherine Lavier en a parcouru un certain nombre au cours de sa carrière. Mais elle n’imaginait pas qu’ils la mèneraient, un jour, à Notre-Dame.