Un an après l'incendie de Notre-Dame, le ministère de la Culture est allé à la rencontre des acteurs de la restauration de l'édifice. Dernier volet de notre série avec Philippe Villeneuve, l'architecte en chef des monuments historiques à la tête du chantier de restauration de la cathédrale.

Entre l’architecte en chef des monuments historiques et Notre-Dame de Paris, c’est une longue histoire. L’histoire, tout d’abord, d’un véritable engagement au service de la cathédrale, ce joyau de plus de huit cents ans planté au cœur de Paris, devenu un véritable emblème de la France. Mais c’est aussi l’histoire d’une passion, une passion jamais démentie, faite d’admiration (devant sa splendeur) et d’humilité (devant sa grandeur), pour un édifice qui reste à ses yeux « le plus beau » de l’art gothique.

Preuve éclatante de son admiration, Philippe Villeneuve – c’est lui, l’architecte en chef des monuments historiques, qui est le maître d’œuvre du chantier de restauration de Notre-Dame de Paris – s’est fait tatouer une rosace à la place du cœur. Est-il plus belle façon de montrer combien il fait corps avec la cathédrale ? « Elle fait partie de moi », dit-il simplement, en ajoutant qu’il envisageait de faire de même avec la flèche de Viollet-le-Duc, emportée dans l’incendie fatidique.

L’architecte s’est fait tatouer une rosace à la place du cœur. Est-il plus belle façon de montrer combien il fait corps avec la cathédrale ?

Naissance d’une vocation

Avant d’arriver à Notre-Dame de Paris, Philippe Villeneuve a dû gravir tous les échelons de ce qu’il sait être sa vocation : le métier d’architecte. « A cinq ans,  raconte-t-il, on m’a offert une boîte de Lego et, comme tous les enfants, j’ai commencé à monter les pièces de ce jeu de construction. Un peu plus tard, c'était des ouvrages sur les cathédrales, avec des plans, des coupes, des dessins formidables. C’est de la somme de ces expériences qu’est née ma vocation ».

Le second déclic, c’est l’exposition organisée en 1979 au Grand-Palais pour le centenaire de la mort d'Eugène Viollet-le-Duc, le principal artisan de la renaissance de Notre-Dame de Paris au XIXe siècle. « A cette occasion, poursuit-il, j'ai rencontré celui qui allait devenir l’un de mes maîtres et – accessoirement – j’ai vu aussi pour la première fois écrit en toutes lettres le nom de mon futur métier : architecte en chef des monuments historiques ».

Devenu architecte, il commence par « apprendre le boulot », puis se présente au concours d’entrée de l’école nationale de Chaillot – aujourd’hui hébergée à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine – où l’on enseigne les principes de la conservation et de la restauration architecturales, urbaines et paysagères en vue de former les futurs architectes des Bâtiments de France et les architectes du patrimoine. Avant Notre-Dame, il fera ses premières armes d'architecte en chef des monuments historiques à La Rochelle, où il restaure notamment l’Hôtel-de-Ville, et au château de Chambord.

20200116-denisallard_notredame-8.jpgPhilippe Villeneuve © Ministère de la Culture / Denis Allard

De l’incendie à la restauration

Quand on lui confie la charge de Notre-Dame de Paris, en 2013, il est loin de se douter de la déflagration que va provoquer dans sa vie l'incendie du 15 avril 2019. Les six années précédant la catastrophe, il va arpenter inlassablement la cathédrale, approfondissant sa connaissance intime de l’édifice, s’appropriant chacun de ses espaces, des tours à la charpente, de la sacristie à la salle du Trésor, sans oublier, bien entendu, la nef dans tous ses états. « Quand je rentre dans la cathédrale, je me fonds dans le moindre de ses recoins, j’épouse le moindre de ses espaces », assure l'architecte. Avec les années, il en est convaincu, Notre-Dame est « au-delà du temps ».

Depuis l’incendie, Philippe Villeneuve, qui a été confirmé par le ministre de la Culture dans ses missions, consacre « 100% de son temps » – et de son énergie – à la cathédrale. Il raconte ses premiers tours de ronde, alors que les braises sont encore brûlantes. Il raconte les premiers diagnostics, qui ont abouti à la mise en œuvre des projets de sécurisation du site. « Cette sauvegarde, qui a culminé avec la pose spectaculaire de vingt-huit cintres, est entrée aujourd'hui dans une phase particulièrement délicate, le démontage de l'échafaudage », détaille-t-il. Il salue aussi l’engagement exceptionnel des entreprises et des artisans, « l’esprit fraternel » qui règne sur le chantier. « Une fraternité que j’imagine proche de celle des compagnons, ces premiers bâtisseurs de Notre-Dame ».

Que souhaite-t-il désormais, alors que le président de la République s'est prononcé le 9 juillet en faveur de la restauration à l'identique de la flèche et de la charpente ? « Rendre la cathédrale au monde » est sa seule et unique ambition. Car il sait que Notre-Dame n’appartient à personne – elle est dans le cœur de chacun.