Dès 1850, Viollet-le-Duc sollicite de nombreux orfèvres et bronziers pour reconstituer le mobilier de Notre-Dame de Paris, jugé peu en accord avec le style de l’édifice ou détruit par les pillages révolutionnaires successifs. Pour le trésor, inauguré en 1854 dans la sacristie nouvelle, des pièces d’orfèvrerie exceptionnelles sont spécialement dessinées par l’architecte. L’aménagement du trésor et l’installation des reliquaires dans des vitrines inspirées de l’armoire de la cathédrale de Noyon lui offrent l’occasion de concrétiser ses théories sur le renouveau des arts décoratifs.

Témoins de l’effervescence créatrice qui accompagne le chantier de construction de la sacristie et de restauration de la cathédrale, plusieurs œuvres créées par les orfèvres Cahier (aiguière et plateau du baptême du prince impérial), Chertier (chapelle de messe, ampoules à huile) ou Poussielgue-Rusand (burettes et plateau, ostensoir de sainte Geneviève, calice et patène du cardinal Feltin, calice et patène du chanoine Deplace), aujourd’hui protégées au titre des monuments historiques, prennent place dans les armoires du nouveau trésor de la cathédrale.

 

Un cadre pour le trésor : la nouvelle sacristie

En 1837, Mgr de Quélen (1778-1839), archevêque de Paris, propose la création d’une nouvelle sacristie, apte à accueillir en particulier le trésor de la cathédrale, ravagé par les émeutes de 1830 et le sac de l’archevêché. En 1842, l’État décide de la reconstruire au même emplacement, au sud du chœur. Sa reconstruction fait partie du concours lancé en 1843 par le conseil général des Bâtiments civils pour la restauration de la cathédrale et remporté par Jean-Baptiste Lassus (1807-1857), associé à Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc (1814-1879). Selon le projet final des deux architectes, la sacristie est édifiée autour d’un petit cloître carré accessible par l’une des chapelles latérales droites du chœur. La réalisation du programme iconographique est confiée au sculpteur Adolphe-Victor Geoffroy-Dechaume (1816-1892). L’emploi du style gothique donne sa cohérence à l’architecture, la vitrerie, l’aménagement intérieur et l’orfèvrerie.

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Sacristie et passage conduisant à la cathédrale, par Séraphin-Médéric Mieusement, épreuve sur papier albuminé, 1892. Bibl. du Centre des monuments nationaux (CMN), 2014.0.16. © Reproduction Benjamin Gavaudo / CMN, 2019.

Sacristie prise du jardin réservé, par Séraphin-Médéric Mieusement, épreuve sur papier albuminé, 1892. Bibl. du CMN, 2014.0.56. © Reproduction Benjamin Gavaudo / CMN, 2019.

Sacristie, façade ouest, par Séraphin-Médéric Mieusement, épreuve sur papier albuminé, 1892. Bibl. du CMN, 2014.0.68. © Reproduction Benjamin Gavaudo / CMN, 2019.

Viollet-le-Duc et les arts de l’orfèvrerie

Les dessins et documents conservés à la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine (MAP), notamment dans le fonds déposé du musée de Notre-Dame (MND), et les pièces d'orfèvrerie toujours visibles dans le trésor de la cathédrale Notre-Dame témoignent des talents exceptionnels de dessinateur de Viollet-le-Duc. Ses études historiques et artistiques sont publiées dans le Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, paru en 10 tomes de 1854 à 1868 (trésor du XIIIe siècle, t. IX, p. 261) et dans le Dictionnaire raisonné du mobilier français de l’époque carolingienne à la Renaissance, paru en 6 volumes de 1858 à 1870.

Ce dernier décrit et reproduit ainsi le reliquaire de la fin du XIVe siècle, de bronze doré, agate, cornaline, verres bleus et améthystes, légué par la marquise de Neuchèze en 1864 à la fabrique de Notre-Dame, constitué d’un cylindre de verre, porté par quatre abbés tenant leur crosse, sur un plateau figurant le Christ au saint Suaire (tome 2, partie 1, p. 226-227, fig. 9).

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Reliquaire à cylindre de verre, fin du XIVe siècle (h. 22,7 cm, long. 22,2 cm, larg. 9 cm). Classé au titre des monuments historiques, 10 décembre 1962. Paris, trésor de la cathédrale Notre-Dame, inv. NDP n°0042. Cliché Régie du patrimoine de la cathédrale, AP75W00739. © Cathédrale Notre-Dame de Paris.

Pour reconstituer les pièces d’orfèvrerie du trésor, Viollet-le-Duc est amené à collaborer avec plusieurs orfèvres et bronziers différents, moins connus ou célèbres, comme Louis Bachelet (actif 1844-1877), Jean-Alexandre Chertier (actif 1857-1890), Placide Poussielgue-Rusand (1824-1899), Edmond-François Lethimonnier et Louis Figaret. Le choix des orfèvres semble toutefois incomber plutôt au chapitre, qui reçoit pour chaque projet des soumissions cachetées, remises par les fabricants.

Le fonds Poussielgue-Rusand de la MAP conserve 250 études de Viollet-le-Duc, particulièrement importantes, rattachés au travail des orfèvres Poussielgue-Rusand et Bachelet. Entre 1880 et 1889, en effet, le fils de Louis Bachelet vend la collection de son père, le fonds et les modèles, à Poussielgue-Rusand, qui s’approprie toute la production. Seule l’analyse des poinçons figurant sur les pièces conservées permet éviter les erreurs d’attribution.

Le sculpteur Geoffroy-Deschaume fournit aussi les modèles des statuettes ornant de nouvelles pièces d’orfèvrerie d’exception, comme le reliquaire de la Couronne d’épines et celui de la Vraie Croix et du Saint Clou, réalisés en 1862 par l’orfèvre Placide Roussielgue-Rusand (1824-1889).

Pour la salle du chapitre, Viollet-le-Duc dessine une paire d’encensoirs (1867), exécutés en argent doré et repoussé (MAP, dépôt MND 51), et, pour la grande vitrine de la salle capitulaire, une croix monumentale (1868) portant un Christ d’ivoire, faite d’une âme de bois recouverte de plaques de cuivre doré et gravé et de parties émaillées (MAP, dépôt MND 41 et 45). Pour le trésor lui-même, l’architecte conçoit plusieurs pièces insignes, qui sont réalisées d’après ses dessins, le plus souvent en couleur or, selon le goût du temps. L’architecte dessine le mobilier souhaité par le chapitre avec un répertoire de formes renouvelé et original, inspiré de l’œuvre de Limoges.

 

Les chefs-d’œuvre dessinés pour l’orfèvre Poussielgue-Rusand

Après une histoire troublée depuis la Révolution française, les reliques de la Passion, antérieurement à la Sainte-Chapelle, intègrent le trésor de Notre-Dame en 1804. La nouvelle châsse reliquaire conçue pour la Couronne d'épines, acquise de Baudouin II de Courtenay, dernier empereur latin de Constantinople, par le roi saint Louis, doit remplacer le reliquaire créé en 1804 par Charles Cahier. Viollet-le-Duc dessine plusieurs projets, qui rappellent le reliquaire original détruit à la Révolution, mais dont aucun ne trouve son origine directe dans l’art médiéval. Poussielgue-Rusand est chargé de l'ouvrage ; sans doute à la demande du cardinal Morlot, il réalise un réceptacle différent pour le Saint Clou et la Sainte Épine. Geoffroy-Dechaume collabore pour la sculpture des deux pièces et Villeminot pour l'ornementation. Ce reliquaire de la sainte Couronne d’épines, en bronze doré et argent doré, est riche de 400 pierres précieuses ou fines, offertes au cardinal Richard. La monstrance, en forme de couronne royale, est supportée, en partie supérieure, par douze statuettes représentant les douze apôtres et figure, en partie inférieure, les statues de Baudouin II, saint Louis et sainte Hélène. Signé et daté sur sa base « E. VIOLLET LEDUC / INVENIT / P. POUSSIELGUE-RUSAND / FABRICAVIT / 1862 », ce reliquaire a nécessité le travail de vingt ouvriers de la fabrique durant deux années. Selon la politique commerciale de Poussielgue-Rusand et les principes viollet-le-duciens, le socle de l'objet est ensuite réédité dans une version plus modeste, pour une croix reliquaire offerte par la famille Farcy à la cathédrale Saint-Maurice d'Angers (1872).

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Reliquaire de la Couronne d’épines (h. 88 cm, diam. 49 cm), par Poussielgue-Rusand, Villeminot et Geoffroy-Dechaume, d’après Viollet-le-Duc, 1862, bronze doré, argent doré, diamants, émeraudes, saphirs, pierres fines. Classé au titre des monuments historiques, 10 décembre 1962. Paris, trésor de la cathédrale Notre-Dame, inv. NDP n°0068. Cliché AP75W00749. © Régie du patrimoine de la cathédrale.

Reliquaire de la Couronne d’épines. Cliché AP62P01060. © Jean Gourbeix / Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, ministère de la Culture.

Reliquaire de la Couronne d’épines, 1862. Cliché AP62P01061. © Jean Gourbeix / Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, ministère de la Culture.

Reliquaire de la Couronne d'épines, 1862. © Jean Feuillie 1960 / Centre des monuments nationaux.

Reliquaire de la Couronne d'épines, 1862. © Pascal Lemaître 2013 / Centre des monuments nationaux.

Reliquaire de la Couronne d'épines (détail), 1862. © Pascal Lemaître 2018 / Centre des monuments nationaux.

Reliquaire de la Couronne d'épines (détail), 1862. © Pascal Lemaître 2018 / Centre des monuments nationaux.

Sur des dessins de Viollet-le-Duc, le reliquaire du Clou et du bois de la Croix est exécuté en argent, perles, cristal et turquoises par Poussielgue-Rusand et Geoffroy-Dechaume, en 1862, pour recueillir ces deux reliques de la Passion provenant de la Sainte-Chapelle avant la Révolution. La monstrance comprend deux parties : deux anges debout, modelés par Geoffroy-Dechaume, soutiennent de leurs bras et de leurs ailes le plateau d’argent sur lequel est posé le reliquaire de cristal de la parcelle du bois de la Croix, encadré de rinceaux enrichis de turquoises et de volutes en métal précieux. Au-dessous, au centre, un autre étui de cristal renferme le fragment du clou de la Crucifixion. Ce reliquaire est présenté à l’Exposition universelle de 1862, à Londres.

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Projet de reliquaire du Clou et du bois de la Croix, dessin d’Eugène Viollet-le-Duc, [vers 1862], aquarelle et rehauts de gouache. MAP, 1996/083–1029. © Médiathèque de l’architecture et du patrimoine / ministère de la Culture.

Reliquaire du Clou et du bois de la Croix (h. 52 cm, l. 33 cm, pr. 19 cm), par Poussielgue-Rusand et Geoffroy-Dechaume d’après Viollet-le-Duc, 1862, argent doré, cristal, perles, diamants, turquoises et rubis. Classé au titre des monuments historiques, 10 décembre 1962. Paris, trésor de la cathédrale de Notre-Dame, inv. NDP n°0064. Cliché AP75W00744. © Régie du patrimoine de la cathédrale.

Reliquaire du Clou et du bois de la Croix (face avant), 1862. Cliché Ferron, AP62P01057. © Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, ministère de la Culture.

Reliquaire du Clou et du bois de la Croix (face latérale), 1862. Cliché Ferron, AP62P01058. © Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, ministère de la Culture.

Reliquaire du Clou et du bois de la Croix, par Poussielgue-Rusand, d’après Viollet-le-Duc, 1862. © Pascal Lemaître 2000 / Centre des monuments nationaux.

Reliquaire du Clou et du bois de la Croix, par Poussielgue-Rusand, d’après Viollet-le-Duc, 1862. © Pascal Lemaître 2013 / Centre des monuments nationaux.

Reliquaire du Clou et du bois de la Croix (détail), par Poussielgue-Rusand, d’après Viollet-le-Duc, 1862. © Pascal Lemaître 2013 / Centre des monuments nationaux.

Entre 1866 et 1868, l’architecte poursuit la reconstitution du trésor, en dessinant plusieurs autres pièces. L’orfèvre Placide Poussielgue-Rusand, devenu l’orfèvre parisien privilégié des architectes diocésains, est choisi après un appel d’offres. Avec sa maison d’orfèvrerie, dont le fonds de dessins est conservé par la MAP (fonds 1996/084), l’architecte réalise également un grand ostensoir et un thabor, pour le trésor, ou les chandeliers du maître-autel, pour le chœur de la cathédrale. Selon l’habitude de la maison, les modèles sont ensuite proposés dans son Catalogue général d’orfèvrerie et de bronzes (1893) dans différents matériaux plus ou moins onéreux (bronze, argent, argent doré).

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Manufacture d’orfèvrerie, de bronzes et de chasublerie. Maison Poussielgue-Rusand fils, Catalogue général d’orfèvrerie et de bronzes, Paris, 1893. © NCSU Libraries.

Un grand ostensoir, réalisé par l’orfèvre sur des dessins de Viollet-le-Duc (catalogue de la maison d’orfèvrerie, 1893) en argent doré, vermeil et pierres fines, s’orne de deux anges thuriféraires, délicatement placés, à demi-agenouillés, sur les volutes d’un rinceau bourgeonnant, qui encensent la gloire rayonnante. Au centre de cet ostensoir, la custode destinée à exposer le Saint-Sacrement, sertie de diamants et de rubis, se détache sur un quadrilobe orné du tétramorphe. L’œuvre est exposée à l’Exposition universelle de 1867, à Paris.

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Projet pour le grand ostensoir de Notre-Dame de Paris, dessin d’Eugène Viollet-le-Duc, 20 mars 1866, encre et lavis. MAP, 1996/084–43204. © Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, ministère de la Culture.

Grand ostensoir (h. 120 cm, rayons 56,5 cm, diam. base 34,5 cm), par Poussielgue-Rusand d’après Viollet-le-Duc, 1866-1867, argent doré, diamants, rubis, opales, améthystes, turquoises, lapis, cristal de roche. Classé au titre des monuments historiques, 18 janvier 1967. Paris, trésor de la cathédrale Notre-Dame, inv. NDP n°0070a. Cliché AP75W00750. © Régie du patrimoine de la cathédrale.

Grand ostensoir, par Poussielgue-Rusand d’après Viollet-le-Duc, 1866-1867. Cliché Ferron, AP62P01067. © Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, ministère de la Culture.

Grand ostensoir, par Poussielgue-Rusand d’après Viollet-le-Duc, 1866-1867. © Pascal Lemaître 2013 / Centre des monuments nationaux.

Grand ostensoir, par Poussielgue-Rusand d’après Viollet-le-Duc, 1866-1867. © Pascal Lemaître 2000 / Centre des monuments nationaux.

Grand ostensoir (détail), par Poussielgue-Rusand d’après Viollet-le-Duc, 1866-1867. © Pascal Lemaître 2013 / Centre des monuments nationaux.

En 1869, toujours d’après Viollet-le-Duc, Poussielgue-Rusand livre pour 3000 francs un gigantesque ostensoir, haut de 2,20 m, dont la base figure huit anges armés, gardiens d’une forteresse symbolisant la Jérusalem céleste. D’après l’architecte, selon son catalogue (1893, p. 22, n°72), l’orfèvre exécute aussi un plateau et des burettes en argent, toujours conservés dans le trésor. Le plateau est orné de huit godrons à petits cabochons de verre rouge et les burettes, de roses gravées dans des spirales, à cabochon rouge ou blanc.

La chapelle dite de Napoléon III (croix de procession, hampe, aiguière, plateau, paire de chandeliers et baisers de paix), classée au titre des monuments historiques le 18 janvier 1967, est exécutée en bronze doré, cuivre et émaux champlevés par Poussielgue-Rusand, d’après des dessins de Viollet-le-Duc (cf. catalogue, 1893), à l’exception des deux baisers de paix, réalisés par l’orfèvre Jean-Alexandre Chertier et destinés à l’autel majeur de la cathédrale, d’après un dessin de Viollet-le-Duc du 2 avril 1867 (MAP, dépôt MND 31).

 

Les chefs-d’œuvre dessinés pour l’orfèvre Chertier

L’orfèvre Chertier est chargé de restituer les bustes reliquaires disparus à la Révolution de saint Louis et de saint Denis. Après 1857, il exécute, sur des dessins de Viollet-le-Duc, les deux bustes reliquaires de saint Louis et saint Denis, en argent et vermeil sur âme de bois. L’architecte part d’une œuvre originale médiévale, qu’il interprète. Pour le buste de saint Louis, il prend pour modèle le chef-reliquaire gothique réalisé par l’orfèvre Guillaume Julien pour Philippe le Bel et offert à la Sainte-Chapelle en 1306. Pour celui de saint Denis, il s’inspire du buste-reliquaire créé pour l’abbaye de Saint-Denis en 1281. Ces reliquaires abritaient des reliques corporelles des saints et des objets leur ayant appartenu, comme pour saint Louis, sa tunique et sa discipline de fer à étui d’ivoire. L’orfèvre utilise une technique singulière de feuilles d’argent repoussées sur une âme de chêne et fixées par des clous.

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Buste-reliquaire de saint Denis (h. 58 cm, long. 50 cm, larg. 29 cm), par Chertier d’après Viollet-le-Duc, âme de bois, argent, cabochons de verre, émail pour le socle, vers 1857. Classé au titre des monuments historiques, 18 janvier 1967. Paris, trésor de la cathédrale Notre-Dame, inv. NDP n°0008b. Cliché Ferron, AP63P00681. © Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, ministère de la Culture.

Buste-reliquaire de saint Louis (h. 55,5 cm, long. 50 cm, larg. 29 cm), par Chertier d’après Viollet-le-Duc, âme de bois, argent, cabochons de verre, émail pour le socle, vers 1857. Classé au titre des monuments historiques, 18 janvier 1967. Paris, trésor de la cathédrale Notre-Dame, inv. NDP n°0008a. Cliché Ferron, AP63P00680. © Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, ministère de la Culture.

Buste-reliquaire de saint Louis, par Chertier, d’après Viollet-le-Duc, vers 1857. © Pascal Lemaître 2012 / Centre des monuments nationaux.

Trois chrêmiers sont dessinés par Viollet-le-Duc en 1866 (MAP, dépôt MND 46 et 50), avant leur exécution en vermeil émaillé façon champlevé par l’orfèvre Chertier, qui excelle dans l’émail en taille d’épargne. Rappelant par sa forme les colombes eucharistiques du XIIe siècle, le chrêmier en forme d’oiseau est orné d’un écusson émaillé représentant une croix fleuronnée entourée de rinceaux émaillés à l’imitation des émaux champlevés du Moyen Âge. Dans la colombe, un tube en argent doré conserve le saint chrême, huile sainte mêlée de baume parfumé, utilisé pour le baptême, l’ordination et l’extrême-onction. Dans l’immense production viollet-le-ducienne, s’il est possible de déceler des prototypes médiévaux, c’est bien le cas de cette colombe pour les saintes huiles, qui dérive du vase antique que l’abbé Suger fit transformer avant 1147 en un aigle majestueux, joyau de l’abbaye de Saint-Denis (auj. au musée du Louvre).

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Deux petits chrêmiers, ou chrémeaux, ou réserves d’huile sainte (h. 28,2 cm), par Chertier d’après Viollet-le-Duc, 1866. Classés au titre des monuments historiques, 10 décembre 1962. Paris, trésor de la cathédrale Notre-Dame, inv. NDP n°0065. Cliché AP75W00745. © Régie du patrimoine de la cathédrale.

Projet de chrêmier, ou chrémeau, en forme de colombe, dessin de Viollet-le-Duc, mars 1866, plume et lavis sur papier, 53,5 x 36,5 cm. MAP, fonds du musée de Notre-Dame, DMND30. © Musée Carnavalet.

Chrêmier, ou chrémeau, ou réserve d’huile sainte, en forme de colombe (h. 27,8 cm, diam. base 12 cm, larg. 17,8 cm), par Chertier d’après Viollet-le-Duc, 1866, bronze doré, argent doré et émail. Classé au titre des monuments historiques, 10 décembre 1962. Paris, trésor de la cathédrale Notre-Dame, inv. NDP n°0066. Cliché AP75W00746. © Régie du patrimoine de la cathédrale.

Chrêmier, ou chrémeau (face arrière), par Chertier d’après Viollet-le-Duc, 1866. Cliché AP75W00747. © Régie du patrimoine de la cathédrale.

Chrêmier, ou chrémeau (face arrière), par Chertier d’après Viollet-le-Duc. © Pascal Lemaître 2013 / Centre des monuments nationaux.

Chertier réalise, d’après un dessin de Viollet-le-Duc de mars 1867 (MAP, dépôt MND 43), une croix pédiculée, de cuivre doré et émaillé, supportant un Christ en vermeil.

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Croix pédiculée, en cuivre doré et émaillé (h. 198 cm, larg. 87 cm). Classée au titre des monuments historiques, 18 janvier 1967. Cliché Ferron, AP62P01026. © Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, ministère de la Culture.

En 1867-1868, l’orfèvre Chertier exécute enfin trois livres sacrés (missel, évangéliaire et épistolaire). Les projets signés par l’architecte datent de janvier 1867 (MAP, dépôt MND 52). En argent partiellement doré et émail, le plat de reliure supérieur de l’évangéliaire porte la figure en relief du Christ ; celui de l’épistolaire, celle de saint Paul. Ces deux ouvrages sont de dimensions similaires. Les trois livres sont ornés des mêmes clous aux angles et des mêmes fermoirs. En argent doré, cuivre doré et émaillé, bronze partiellement doré et maroquin rouge, le missel reçoit l’imprimatur de Mgr Darboy en 1868.

 

La collaboration avec Louis Figaret

Le trésor de Notre-Dame conserve aussi une châsse de Figaret, réalisée sur des dessins de Viollet-le-Duc, que le bronzier propose dans sa brochure Manufacture de bronzes pour églises de 1868 (n° 283) sous la désignation « châsse dans le style du XIIIe siècle garnie d’un coffre intérieur en chêne et ornée de huit émaux au feu ».

 

 

Pour aller plus loin…

Alcouffe (Daniel), L’Art en France sous le Second Empire [catalogue d’exposition, Paris, Grand Palais, 11 mai-13 août 1979], Paris, Éditions de la RMN, 1979.

Auzas (Pierre-Marie), Notre-Dame de Paris. Le Trésor, Paris, Nouvelles Éditions latines, 1989.

Berthod (Bernard), Favier (Gaël) et Hardouin-Fugier (Élisabeth), Dictionnaire des arts liturgiques du Moyen Âge à nos jours, Châteauneuf-sur-Charente, Frémur, 2015.

Didier (Marie-Hélène), « Le trésor de la cathédrale Notre-Dame de Paris, de Viollet-le-Duc à nos jours : de la relique à l’objet de mémoire, de saint Louis à Mgr Lustiger », dans Regards sur les objets de mémoire, Arles, ACAOA/Actes Sud, 2016, p. 191-201.

Durand (Jannic), « La Couronne et la Croix », dans Les Reliques de la Passion au chapitre de Notre-Dame de Paris, Paris, Chapitre cathédral (« Les Cahiers du chapitre »), 2002.

Favier (Gaël), « Viollet-le-Duc et les orfèvres religieux : Notre-Dame de Paris », dans Viollet-le-Duc. Les visions d’un architecte [catalogue d’exposition, Paris, Cité de l’architecture et du patrimoine, 20 novembre 2014-9 mars 2015], dir. Laurence de Finance et Jean-Michel Leniaud, Paris, Norma / Cité de l’architecture et du patrimoine, 2014, p. 118-125.

Favier (Gaël), « Placide Pussielgue-Rusand et Thomas Joseph Armand-Caillat, deux conceptions de l’orfèvrerie religieuse au XIXe siècle », dans Regards sur un patrimoine multiple, Arles, Errance / Actes Sud / ACAOAF, 2020, p. 139-148.

Finance (Laurence de), Mobilier et objets religieux. Catalogues commerciaux des XIXe et XXe siècles, Ministère de la Culture, SD Archetis, octobre 2008.

Lenfant (Carole) et Lévy (Élodie), « L’orfèvrerie civile : l’invention et la déclinaison de modèles », dans Dans l’intimité de l’atelier, Geffroy-Dechaume (1816-1892) [catalogue d’exposition], Arles, Cité de l’architecture et du patrimoine / Éditions Honoré Clair, 2013, p. 121-157.

Le Rouzic (abbé), Le Trésor de Notre-Dame de Paris, Lyon, Lescuyer et fils, 1951.

Pauly (Elisabeth), « Le trésor », dans Notre-Dame de Paris, Strasbourg, La Nuée bleue (« La grâce d’une cathédrale »), 2012.

Piel (Caroline), avec la collaboration de Marie-Hélène Didier, « Le trésor de la cathédrale Notre-Dame de Paris », dans Trésors des cathédrales, dir. Judith Kagan et Marie-Anne Sire, Paris, Éditions du Patrimoine, 2018, p. 234-243.

Prades (Laurent), dir., Trésor. Cathédrale Notre-Dame de Paris, guide de visite, Illkirch, 2013.

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