Un an après l'incendie de Notre-Dame de Paris, le ministère de la Culture est allé à la rencontre des acteurs de sa restauration. Alors que le démontage de l'échafaudage vient de commencer, nous revenons sur le parcours de Franck Pagnussat, échafaudeur.

Une prouesse technique de 500 tonnes, s’élevant à plus de cent mètres de hauteur : c’est ce qu’aurait constitué, une fois achevé, l’échafaudage de Notre-Dame de Paris. Ce colossal exosquelette d’acier devait rendre possible un délicat travail de restauration, en donnant aux charpentiers et aux couvreurs un accès à la flèche de Viollet-le-Duc. Sur les 500 000 tubes d’acier prévus, 50 000 avaient déjà été installés lorsque l’incendie s’est déclaré, exposant l’échafaudage à des températures de plus de 800 degrés.

Ce qui m’attire dans ce métier, c’est la complexité du projet, le défi technique

L’érection de cette immense structure relevait d’un travail d’équipe dirigé par Franck Pagnussat, conducteur de travaux pour Europe Échafaudage, une société spécialisée dans la restauration des monuments historiques. Ce dernier explique ressentir, aujourd’hui encore, des sentiments contradictoires. « Il y a toujours un sentiment de culpabilité diffus qui est présent quoi que l’on fasse », dit-il. Et, dans le même temps, « une petite part de fierté ». Car c’est certainement grâce à son savoir-faire, à celui de ses équipes et de l’entreprise que l’échafaudage ne s’est pas effondré, emportant avec lui la cathédrale toute entière. « Cet échafaudage a tout connu, le feu, l’eau, et il est encore debout », souligne Franck Pagnussat.

Un expert du travail en grande hauteur

Si c’est bien à son professionnalisme que Franck Pagnussat doit ses dix-sept années d’intervention sur des monuments historiques, le lancement de sa carrière repose, lui, sur un concours de circonstances. Il avait vingt ans et cherchait du travail en Lorraine, du côté de Metz. Il lui fallait trouver rapidement, car sa compagne était enceinte. Son diplôme ? Un CAP de boulanger, qui ne le prédisposait en rien aux chantiers et aux monuments historiques. Europe Échafaudage embauchait et, une fois entré dans la société, Franck Pagnussat a définitivement pris ses marques, se formant sur le terrain et passant les certificats nécessaires au travail en grande hauteur.

Il aime ce métier où aucune intervention ne ressemble à une autre. « Ce qui m’attire, c’est la complexité, le défi technique », explique-t-il. Être échafaudeur revient à se trouver sans cesse confronté à des puzzles en apparence insolubles, et à apprendre de chaque chantier. « Avec l’expérience, on sait qu’il y a des endroits qu’il faut renforcer tout de suite. C’est en cela que le savoir-faire joue un rôle déterminant », révèle Franck Pagnussat.

20191128-denisallard_culture-notredame-brut-139b-84.jpg Franck Pagnussat © Ministère de la Culture / Denis Allard

On a l’impression de faire partie du monument

Il ne se souvient pas de tous ses chantiers... Il faut dire que son entreprise est intervenue sur nombre de monuments prestigieux : le Louvre, le temple Saint-Étienne à Mulhouse, la Tour-Lanterne de La Rochelle, la chapelle du Château de Vincennes… Parmi ceux qui l’ont le plus marqué figurent la cathédrale de Metz – « un échafaudage de quatre-vingt mètres de haut, entièrement posé sur des fers » –  et la colonne Vendôme, « enveloppée d’une gaine de tube d’acier de plus de soixante mètres, sans aucune accroche sur l’édifice lui-même ». Une technique également utilisée à Notre-Dame : l’échafaudage n’avait aucune prise sur la cathédrale, c’est sans doute ce qui lui a permis de tenir, évitant ainsi une catastrophe plus grande encore.

Aujourd’hui, l’heure est à la « déconstruction ». Franck Pagnussat passe ses journées sur le chantier avec son équipe afin de mener à bien cette tâche délicate : démonter une structure fragilisée, endommagée. Son sentiment est partagé par beaucoup sur ce site exceptionnel : « D’une certaine manière, on a l’impression de faire partie du monument », dit-il. « On se sent lié à une chaîne humaine. D’autres, avant nous, ont fait le même travail. Il n’y a pas beaucoup de différences entre les échafaudages en bois d’autrefois et ceux d’aujourd’hui ».