Une exposition de peinture française

Les tableaux conservés dans la cathédrale ont été commandés pour la cathédrale, qu’il s’agisse des Mays offerts de 1630 à 1707 par la corporation des orfèvres ou des dons de chanoines. D’autres ont été attribués à la cathédrale après 1802, conséquence du Concordat de 1801, offerts ou déposés à la cathédrale au cours des XIXe et XXe siècles.

Ils figurent tous dans l’inventaire de la cathédrale Notre-Dame de Paris qui compte près de 2 000 biens mobiliers. Plus de 80 % d’entre eux sont propriétés de l’État (ministère de la Culture) et affectés au culte car présents dans la cathédrale avant la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État

Les grands Mays de Notre-Dame constituent la première exposition permanente de peinture française. Ces œuvres sont des témoignages de l’ornement de la cathédrale aux XVIIe et XVIIIe siècles. Malgré leur dispersion, ils restent aujourd’hui une collection fondamentale pour l’histoire des tableaux d’église de grand format. La seule série d’importance comparable est la collection des morceaux de réception à l’Académie royale de peinture et de sculpture.

Les Mays sont des tableaux de grands formats (entre 3,50 et 4,50 m de hauteur) commandés entre 1630 et 1707 par la confrérie Sainte-Anne-Saint-Marcel des orfèvres parisiens et offerts chaque mois de mai en signe de dévotion à la Vierge. Leurs sujets, choisis par les chanoines, sont tirés des Actes des Apôtres ou de la Vie du Christ et l’histoire de cette série presque continue (sauf les années 1693 et 1694, sans May) est bien documentée, malgré sa dispersion. La commande d’un May a représenté, pour certains peintres, une étape décisive dans leur carrière.

Leur programme iconographique, leur composition, la place de leurs auteurs dans l’histoire de la peinture française en font des œuvres majeures pour comprendre la politique religieuse de Louis XIV, l’histoire de la peinture française d’Ancien Régime ou encore le rôle social des confréries parisiennes.

Une abondante iconographie montre les tableaux suspendus dans la nef avec plus ou moins de dévers, accrochés d’abord aux piliers de la nef puis entre les colonnes, en position basse ou haute. Les autres Mays étaient présentés dans les chapelles de la nef et du chœur et dans le transept.

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Vue intérieure de Notre Dame. On y remarque : 1° l’ancien chœur et le jubé – 2e La statue de Phil. le Bel – 3° la statue colossale de St Christophe – 4° Les tableaux donnés par les Orfèvres […], Estampe , Eau-forte, 28.3 cm x 42.3 cm, signée en bas à droite Aveline fecit (Pierre ?, 1656-1722), graveur, Crépy Éditeur, Paris Musées/Musée Carnavalet, Histoire de Paris, G.52918

Vue et perspective du dedans de l'Eglise de la Cathédrale de Notre Dame de Paris Dédiée à Monseigneur de Noailles, Archevesque de Paris, Duc et Pair de France et Commandeur des ordres du Roi, Par son très humble et très obéissant serviteur Aveline, Aveline, graveur, Crépy, éditeur, estampe, eau-forte coloriée, 21.2 X 31.8 cm, Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris


 

Vue intérieure de Notre-Dame, huile sur bois, signé et daté, Jean-François Depelchin, 1789, 43 × 54, Paris Musées / Musée Carnavalet – Histoire de Paris, P98

Avis de recherche

Parmi cette série de 70 tableaux, certains ont quitté la cathédrale avant la Révolution et sont toujours susceptibles de réapparaître. Ainsi, l’Assomption de la Vierge, May peint par Antoine Coypel en 1680 n’a été identifié qu’en 2007 par Jean-Claude Boyer dans une église de Mirande (Gers). En mars 2021, l’Adoration des Mages de Joseph Vivien, May de 1698 est reconnu dans l’église Saint-Nicolas de Givors (Rhône). Le départ de certains tableaux a eu lieu dans des circonstances qui restent encore mal connues.

61 Mays étaient encore présentés à Notre-Dame en 1789. Dès 1793, certains tableaux renommés sont sélectionnés pour le Muséum des arts ouvert au Louvre ou le musée spécial de l’École française à Versailles; d’autres sont envoyés à partir de 1801 dans les musées de province (Lyon, Rouen et Toulouse…) ou dans des églises parisiennes et ceux considérés moins intéressants restent au dépôt des Petits-Augustins jusqu’en 1797.

9 Mays qui existaient encore entre 1795 et 1798 sont à retrouver.

Peints, entre autres, par Claude-François Vignon, Michel Ballin, Jean-Baptiste Corneille, ces tableaux sont documentés par des copies anciennes, des gravures, des dessins ou dans les guides de visite antérieurs à la Révolution, mais il faut parfois beaucoup d’intuition pour les identifier.

50 Mays sont localisés en France et en Grande-Bretagne.

Plusieurs Mays vendus pendant la Révolution ont été rachetés par le cardinal Fesch, qui les a attribués à la primatiale de Lyon (Antoine Paillet, 1661), à l’église Saint-Pothin de Lyon (Étienne Villequin, 1656), à Yssingeaux (Jean Cotelle, 1682) et à des églises de la région de Lyon. Le May de Louis II de Boulogne de 1695 est en Grande-Bretagne à Wardour Castle, sans doute à la suite des ventes révolutionnaires. Un des tableaux semble avoir disparu de la cathédrale vers 1844, à l’occasion d’un contentieux entre le restaurateur Pereira, qui avait restauré l’ensemble des peintures présentes dans la cathédrale, et l’architecte diocésain. Deux ont été détruits en 1870 et en 1944.

Les vicissitudes de l’histoire

Au cours du XIXe siècle, les vicissitudes de l’histoire, conséquences des saisies révolutionnaires, et le changement de goût ont provoqué des déplacements de certains tableaux dans d’autres églises de Paris, de la région parisienne, des églises ou des musées sur tout le territoire national.

Des Mays en réserve, des Mays exposés dans les musées

Au musée du Louvre, seuls deux des Mays sont présentés en permanence dans les salles (Eustache Le Sueur, 1649, et Noël Coypel, 1661 et six autres sont roulés en réserve.14 Mays ont été déposés par le musée du Louvre en 1938 au musée des Beaux-arts d’Arras : sept sont présentés et sept autres sont roulés en réserve. D’autres projets de dépôts sont à l’étude, mais nécessitent une programmation prenant en compte le coût des restaurations de ces tableaux de grand format.

On doit à l’obstination de Pierre-Marie Auzas, inspecteur des Monuments historiques, le retour, entre 1949 et 1963, de nombreux tableaux à la cathédrale Notre-Dame dans le souci de reconstituer le décor pictural des XVIIe et XVIIIe siècles.

Sur les 50 Mays localisés, 13 se trouvaient à Notre-Dame lors de l’incendie :

  • 6 replacés dans la cathédrale après 1802, après être passés un temps par le musée du Louvre ;
  • 7 déposés par le musée du Louvre après l’exposition de 1947 à la chapelle de la Sorbonne « Les Grandes Heures de Notre-Dame de Notre-Dame de Paris » : certains avaient été renvoyés au Louvre en 1862, après qu’Eugène Viollet-le-Duc eut convaincu le chapitre de Notre-Dame de faire partir les Mays pour retrouver l'idéal gothique de la cathédrale.

Jusqu’en 2019, ces tableaux étaient accrochés dans les chapelles ou dans le transept. En 1987, la réinstallation, sur les murs disponibles des chapelles, de plusieurs tableaux en réserve au musée du Louvre ou au musée d’Arras est envisagée. Puis , au début des années 1990, un projet de réinstallation des mays entre les piliers de la nef fait l’objet d’une simulation à grandeur en position haute sur les piliers au-dessus des tailloirs des chapiteaux ou entre les colonnes. Les dimensions différentes et l’aspect disparate des cadres rompaient l’équilibre de l’élévation de la nef de la cathédrale.Ce projet très discuté n’a pas abouti; certains détracteurs craignaient la profonde modification de la physionomie interne de Notre-Dame, telle qu’elle résultait de la restauration du XIXe siècle.

Une publication en 2021

L’étude la plus complète sur les Mays de Notre-Dame était un ouvrage publié par le musée des Beaux-arts d’Arras en 1999 à l’occasion de l’ouverture de la salle qui présente sept des Mays, un ensemble exceptionnel.

Depuis, les Mays ont fait l’objet d’une thèse de doctorat soutenue en 2014 à l’université d’Aix-en-Provence par Delphine Bastet, attachée de conservation au musée Granet d’Aix-en-Provence, sous la direction d’Olivier Bonfait, professeur à l’université de Bourgogne. En 2019-2020, elle assure un cours à l’École du Louvre sur les Mays de Notre-Dame (cours de spécialité sur l'histoire de la peinture française) et sa thèse est publiée au premier semestre 2021 aux éditions Arthéna. Cette publication, lancée bien avant 2019, fait le point sur cette série, en donnant les résultats de recherches très importantes sur le contexte et la signification des Mays, leur rôle politique ou les inspirations théologiques.

Une gestion conjointe des grands tableaux

Aujourd’hui, parmi ces tableaux majeurs pour l’histoire de la peinture religieuse, en dehors des dix-sept tableaux gérés directement par la direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France (conservation régionale des monuments historiques), huit tableaux relèvent d’un dépôt du musée du Louvre (sept « Mays » déposés entre 1949 et 1963 et le Magnificat de Jean Jouvenet, grand tableau de 1716, resté en place dans la chapelle Saint-Guillaume au sud du déambulatoire du chœur) et trois tableaux (Aubin Vouet, Le Nain, La Hyre) relèvent de la Ville de Paris (conservation des œuvres d’art religieuses et civiles – COARC). Les œuvres classées au titre des monuments historiques ont régulièrement fait l’objet de travaux de restauration, le plus souvent liés à des emprunts pour des expositions temporaires, et, depuis 2007, des campagnes périodiques de dépoussiérage étaient menées par la direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France (conservation régionale des monuments historiques).

Après l’évacuation des tableaux en avril 2019 (tableaux des chapelles et de la tour nord) et juillet 2020 (tableaux du transept) et les constats d’état réalisés entre avril et juillet 2019 avec contrôle des dimensions, l’établissement de l’histoire matérielle des œuvres (interventions successives) et la préparation du cahier des charges en lien avec le centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) et la sous-direction des monuments historiques et des sites patrimoniaux (ministère de la Culture), la direction régionale des affaires culturelles (conservation régionale des monuments historiques) d’Île-de-France lance en 2021 une consultation pour la restauration de cet ensemble majeur et des réflexions sont en cours pour la refonte de la présentation.

Nota. L’inventaire complet de la cathédrale achevé en 2011 sous la direction du régisseur du patrimoine de la cathédrale, en lien avec la conservation régionale des monuments historiques d’Île-de-France, et mis à jour régulièrement est en cours de versement, par les soins de la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, dans la base de données nationale Palissy pour les biens propriété de l’État ou classés ou inscrits au titre des monuments historiques.

Bibliographie indicative

Delphine Bastet, Les Mays de Notre-Dame de Paris (1630-1707), éditions Arthéna, association pour la diffusion de l’histoire de l’art, à paraître en 2021.

Olivier Christin, Le May des orfèvres. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 105, décembre 1994. Stratégies de reproduction et transmission des pouvoirs. pp. 75-90.

Annick Notter (dir.) Patrick Laharie, Paola Pach-Bassani, Denis Lavalle, Michèle Bimbenet-Privat, Martin Schieder, Stéphane Loire, “Les Mays de Notre-Dame de Paris”, Arras, 1999, 103 p.

Parmi les 22 tableaux en cours d’étude en vue de leur restauration, 13 sont des Mays restés ou revenus dans la cathédrale. Il est ici fait mention de leur statut juridique, de leur date de classement éventuel et de leurs dimensions.

La cathédrale conserve plusieurs autres tableaux en particulier des portraits de personnalités religieuses ayant compté dans l’histoire de la cathédrale. Sont ici mentionnés ici les tableaux faisant partie du programme de restauration, emblématiques des commandes faites pour la cathédrale en dehors des Mays ou des attributions faites après le Concordat de 1801 (tableaux prélevés en Italie).

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