Un an après l'incendie de Notre-Dame de Paris, le ministère de la Culture est allé à la rencontre des acteurs de la restauration de l’édifice. Aujourd’hui, le portrait de Marie-Hélène Didier, conservatrice des monuments historiques à la direction régionale des affaires culturelles d’Ile-de-France.

C'est un moment à jamais gravé dans sa mémoire. Alors que l'incendie Notre-Dame de Paris se poursuit en cette nuit fatidique du 15 avril 2019, Marie-Hélène Didier se revoit, la tunique de Saint-Louis posée avec d'infinies précautions sur ses genoux, en train de quitter l'île de la Cité dans un camion mis à disposition par la mairie de Paris. La conservatrice des monuments historiques emporte avec elle rien de moins que les pièces les plus précieuses du trésor de la cathédrale qui ont été sauvées des flammes, dont cette relique inestimable - la tunique de Saint-Louis.

Auparavant, chacun des intervenants s'était appliqué à suivre la tâche qui lui avait été assignée par le plan de sauvegarde du site. Les pompiers, notamment, qui ont pris tous les risques pour sauver des flammes les pièces les plus précieuses : la tunique de Saint-Louis et sa discipline, la croix palatine ainsi que les deux reliquaires de la couronne d’épines. C'est ainsi que les premières pièces du trésor de Notre-Dame – qui en compte mille trois cents au total – ont été temporairement déposées à l’Hôtel-de-Ville avant d’être placées en sécurité au musée du Louvre. Au total, quatre longues journées auront été nécessaires pour évacuer l’intégralité de ce patrimoine historique.

Marie-Hélène Didier se revoit la nuit de l'incendie, la tunique de Saint-Louis posée avec d'infinies précautions sur ses genoux, en train de quitter l'île de la Cité dans un camion mis à disposition

Un métier de terrain, une réflexion collective

La cathédrale Notre-Dame de Paris n'est pourtant pas le seul dossier dont Marie-Hélène Didier a la charge. La conservatrice des monuments historiques à la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) d’Ile-de-France, a aussi la compétence sur l’ensemble de la Capitale, où elle a la responsabilité d'édifices emblématiques, comme la Tour Eiffel, la Sorbonne ou la Bourse du Commerce, mais aussi de dizaines d’églises, d’hôtels particuliers et de centaines d’objets d’art. Lorsque son supérieur lui a proposé, en 2011, de prendre également en charge Notre-Dame, elle se souvient d’avoir demandé un délai de réflexion de vingt-quatre heures.  « Ce n’est pas n'importe quel édifice, il fait un peu peur mais je ne pouvais que dire oui », explique-t-elle.

Son métier, Marie-Hélène l’exerce avant tout sur le terrain, le plus en amont possible des opérations envisagées. Elle travaille en étroite collaboration avec les maîtres d’ouvrage et les maîtres d’œuvre, les architectes, les entrepreneurs et les restaurateurs. Après un parcours universitaire en histoire et en histoire de l’art et une entrée dans le corps des conservateurs par voie de concours, il lui a fallu se former sur le tas aux questions techniques et architecturales qui jalonnent désormais son quotidien professionnel. Ainsi, les décisions administratives qu’elle est amenée à prendre sont le fruit d’une réflexion collective, et peuvent être facilement comprises et anticipées par les autres acteurs du chantier.

20191128-denisallard_culture-notredame-brut-139b-169.jpgMarie-Hélène Didier © Ministère de la Culture / Denis Allard

Un lien entre passé, présent et futur

Chargés de maintenir vivantes les traces de notre histoire collective, les conservateurs des monuments historiques sont en effet saisis à chaque demande de travaux. Et si Marie-Hélène Didier adore ce métier qui lui permet de « consacrer 90% de [son] temps à travailler avec de belles choses », elle reconnaît qu’il apporte aussi son lot de doutes et d’hésitations. Comme beaucoup de ses confrères, elle a été amenée à prendre des décisions risquées, reposant sur de véritables paris esthétiques. Elle a participé à l’instruction du dossier de Roland-Garros et la construction du nouveau court dans le jardin des Serres d’Auteuil. Elle a également validé le lancement du chantier de restauration de la Bourse du Commerce, en vue de l’installation de la collection d’art contemporain de François Pinault. L’extension de Roland-Garros a finalement été bien accueillie, et le public découvrira à l'automne le résultat de la transformation du monument parisien par le célèbre architecte nippon Tadao Ando.
 
Depuis l’incendie, Marie-Hélène consacre une grande partie de son temps à la cathédrale. Elle a notamment fait déposer l’ensemble des tableaux – des pièces de quatre à cinq mètres – mis à l’abri les tapis et la Vierge à l’Enfant présentée maintenant à l’église Saint-Germain l’Auxerrois. Elle veille également sur les statues qui « habillaient » la montée vers la flèche de Viollet-le-Duc et qui ont, par un coup de chance inespéré, été déposées quatre jours avant le drame. « Elles ont survécu à l'incendie, elles doivent retourner à leur place », estime-t-elle. Elle se pose, enfin, la question de l’avenir du coq qui ornait la flèche de la cathédrale, aujourd’hui déformé, aplati et tordu par sa chute de plus de cent mètres au cœur du brasier. Marie-Hélène Didier propose que l’on en dessine un nouveau, plus moderne. « Il est le symbole de l’incendie, cela aurait du sens », ajoute-t-elle, soucieuse, comme toujours, de faire le lien entre passé, présent et futur.