La cathédrale Notre-Dame-de-Paris est éclairée par plus de 120 verrières datant du XIIe au XXe siècle. Les seuls vitraux médiévaux toujours en place sont ceux des trois roses ouest, nord et sud, datées du XIIIe siècle.

Des modifications importantes aux XVIIIe et XIXe siècles

Selon divers témoignages, dont celui de Pierre Le Vieil dans son Art de la peinture sur verre et de la vitrerie publié en 1774, des panneaux appartenant à l’édifice antérieur furent remployés dans le bâtiment gothique et, à la fin du XIIe siècle, la reconstruction du chœur avait suscité des donations de verrières. L’ensemble du décor vitré fut remanié au cours du XIVe siècle : le chœur reçut de grandes figures placées sur des fonds clairs ainsi que des grisailles. Les chapelles furent également décorées de grisailles et de verrières légendaires de pleine couleur.

Au XVIIIe siècle, la majeure partie des vitraux ont été démontés et remplacés par des vitreries claires, garnies de rares verres colorés ou peints. De cette époque subsistent, dans une chapelle du chœur, deux médaillons portant les armoiries de la famille de Noailles, signés par Jean Le Vieil (baies 9 et 11).

Au XIXe siècle, des restaurations furent entreprises sur les trois roses, interventions jugées relativement modérées en raison des nombreux bouche-trous encore conservés en place.

L’authenticité des roses

Les trois verrières, aux dimensions exceptionnelles, portent les marques des restaurations successives depuis le XVIe siècle. Une étude complète de ces œuvres et des critiques d’authenticité permettant d’identifier les panneaux originaux, rapportés et restaurés, ont été réalisées par l’historien d’art Jean Lafond et publiées en 1959 dans le premier volume du Corpus Vitrearum-France.

En parallèle au chantier de restauration, du fait des opportunités d’accès et d’examen, les spécialistes du vitrail du Centre André-Chastel entreprennent, à partir d’avril 2021, la révision de la critique d’authenticité de l’ensemble des roses et des propositions de Jean Lafond : nouvelle numérotation, précision sur l’iconographie, datation par siècle (XIIe, XIIIe, XVIe et XIXe siècles), panneau par panneau.

Plan de situation des vitraux établi par Karine Boulanger en avril 2019. © Centre André Chastel / CNRS / ministère de la Culture, 2019

La rose ouest

La façade occidentale, dont la construction commença peut-être avant 1190, était achevée en 1245. Les vitraux de sa rose, datables autour des années 1230, illustrent une psychomachie (combat des vices et des vertus), un zodiaque et les travaux des mois.

Cette rose a été restaurée au XVIe siècle et les traces de cette intervention sont visibles dans quelques panneaux situés dans la partie inférieure. En 1855, Nicolas Coffetier (1821-1884) et Louis Charles Auguste Steinheil(1814-1885) ont refait entièrement une partie de ces panneaux dans le style du XIIIe siècle. On retira aussi, à cette occasion, une Tentation d’Adam et Ève et une Scène de sacrifice, qui ont été replacées en 1965 dans les tympans des baies de la chapelle d’Harcourt (baies 10 et 12).

D’après Jean Lafond, la rose ouest conserverait onze panneaux « anciens » : la douceur (B12), un prophète (D4), la lâcheté (D5), la force (D11), octobre (E12), vierge (F6), cancer (G6), verseau (J5), l’avarice (L5), la charité (L11), la persévérance (L12). Il identifie également huit panneaux avec restauration « ancienne » : capricorne (D6), prophète (F4), avril (F12), juin ? (G12), prophète (H4), taureau (H6), prophète (J4), l’orgueil (J6). La majorité des autres panneaux apparaissait à Jean Lafond soit très restaurée soit entièrement moderne (oculus central, la plupart du cercle central, deux des cercles et une partie des quadrilobes du pourtour, tous les écoinçons de la périphérie).

Malgré les modifications et les restaurations, la rose occidentale reste un témoin majeur des créations contemporaines à Laon, Soissons, Saint-Quentin et Troyes.

La rose nord

La façade du transept nord, attribuée à Jean de Chelles, est la plus ancienne, car elle fut commencée vers 1245. Entre 1262 et 1265, sa rose et son pignon furent déposés et remontés à l’identique. Les vitraux peuvent être datés des années suivant le milieu du XIIIe siècle et présenteraient des liens avec ceux de la Sainte-Chapelle, tout juste antérieurs. Le diamètre de 12,90 m s’inscrit dans un carré.

Ils illustrent la Vierge et des figures de l’Ancien Testament. Ils ont subi une importante restauration au XVIIIe siècle puis de nouveau au XIXe siècle, sans doute sous la direction d’Adolphe Napoléon Didron (1806-1867) et de son neveu, Édouard Amédée (1836-1902). Deux panneaux représentant des anges en ont été ôtés : ils se trouvent désormais au musée Ariana de Genève, où ils sont entrés avant 1905.

D’après Jean Lafond, la rose nord est la mieux conservée avec seulement deux panneaux des cercles du pourtour modernes (J13 et K13), deux lobes de l’oculus central (XH, XN) et les champs entourant les quadrilobes centraux des petites roses latérales. Les panneaux les plus authentiques représentent : Osée (A4), Ozias (A13), Michée (B4), Achias ? (B20), Joachaz (C14), Azarias (C27), Malachie (D4), Samuel (D14), Manassès (D20), Ahialon (E14), Méraioth (E20), Joachaz (E27), Zacharie (F4), Asa (F14), Aaron (F27), Ezéchiel (G4), Joram (G13), Ochosias (G14), Héli (G27), Moïse (H14), Amarias (H20), Achitob (H27), Ahiud ? (I14), Sadoc (I20), Jioada (I27), Abiathar (J20), Azarias (J27), Habacuc (K4), Amarias (K20), Jérémie (L4), Achaz (L13), Nahum (M4), Abimelech (M14), Achab (M20), Jephté (N13), Abdon (N14), Jechonias ? (N20), Phinées (N27), Josaphat (O13), Sellum (O20), Ozi (O27), Isaïe (P4), un juge (P13), Saül (P14), Eliacim ? (P20), Zarahias (P27). Dans la petite rose latérale gauche sont aussi « anciens » les panneaux de la mort de l’Antéchrist (Q1) et un ange thuriféraire (Q22).

La rose sud

La construction de la façade du bras sud du transept commencée en 1258 par Jean de Chelles, a été achevée vers 1270 par Pierre de Montreuil. Les vitraux représentent la parabole des vierges sages et des vierges folles, des scènes de martyres, des saints et des anges. Dans un même diamètre de 12.90 m., la rose sud est constituée de douze pétales rayonnants, au lieu de seize pour la rose nord et de quatre-vingt-cinq compartiments historiés.

Du fait de problèmes récurrents de stabilité, cette rose a subi d’importantes modifications aux XVIe puis au XVIIIe siècles avec l’intervention du cardinal de Noailles, qui y fit placer ses armes dans l’oculus central. De cette époque, date aussi l’ajout de plusieurs panneaux d’une vie de saint Matthieu du XIIe siècle. En 1861, Alfred Gérente (1821-1868) travailla à la restauration des vitraux sous la direction de Viollet-le-Duc qui fit pivoter la rose d’un demi-pétale pour placer un meneau dans l’axe vertical et horizontal. Un panneau figurant l’Annonciation, qui en provient, est aujourd’hui conservé au musée Mayer van den Bergh d’Anvers.

D’après l’étude de Jean Lafond, la rose sud a été très restaurée et présenterait de nombreux panneaux modernes (oculus central, deux cercles du premier cercle, sept cercles du pourtour, tous les lobes des trilobes périphériques et l’ensemble des petites roses et oculi latéraux). Il a identifié un certain nombre de panneaux « anciens » : martyre (A12), vierge sage (B12), ange céroféraire (C23), le baptême du roi Egippe (D17), un chevalier (G8), saint Matthieu devant Hirtacus (G17), apôtre (H2), ange porte couronne (H19), vierge sage (I12), ange céroféraire (J23), martyre (K12), martyre (L19).

Bibliographie sommaire

  • Pierre Le Vieil, L'Art de la peinture sur verre et de la vitrerie, Paris, 1774 (voir notamment p. 24-25 et pl. VI ).
  • Marcel Aubert, Louis Grodecki, Jean Lafond et Jean Verrier, Les Vitraux de Notre-Dame et de la Sainte-Chapelle de Paris, Corpus Vitrearum-France, I, Paris, 1959 (Notre-Dame, par J. Lafond, p. 13-67, 335-336).
  • Louis Grodecki, Les Vitraux de Notre-Dame de Paris, Paris, Nouvelles Éditions latines, 1981.
  • Françoise Gatouillat, « Les vitraux anciens », dans Notre-Dame de Paris, sous la direction de Dany Sandron, Jean-Pierre Cartier et Gérard Pelletier, Strasbourg, La Nuée bleue, coll. « La grâce d’une cathédrale », 2012, p.61-65.
  • CATHEDRALE NOTRE-DAME DE PARIS – Étude d’Évaluation à la suite de l’incendie du 15 avril 2019, Philippe VILLENEUVE, Rémi FROMONT, Pascal PRUNET, architectes en Chef des Monuments Historiques, juin 2020, Les vitraux, tome 2, p.317-360.

Pour aller plus loin

Pour découvrir des photographies des vitraux de la cathédrale

Pour apprécier en détail les vitraux des trois roses :